L’Autisme à l’école en France : l’endroit et l’envers du tableau

À l’occasion de la journée mondiale de l’autisme du 2 avril 2018 quelle est la situation de la scolarisation des enfants/ élèves avec autisme à l’école.[1] La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la citoyenneté et la participation des personnes handicapées[2] a entraîné des remaniements importants au sein de l’École. Elle a permis une augmentation significative du nombre d’élèves en situation de handicap dans le milieu scolaire ordinaire. Toutefois, force est de constater, que dans cette dynamique, un public à besoin éducatif particulier reste aux portes de l’école, il s’agit des enfants avec TSA[3]. La partie qui se joue en ce moment en Franc s’est enfin engagée dans une direction politique porteuse d’espoir. En revanche, elle est encore loin d’être gagnée, alors que dans d’autres pays anglo-saxons (USA, UK), francophones (Québec), européens (Italie, Suède, Portugal), la scolarisation inclusive des enfants et adolescents TSA est, depuis longtemps, engagée.

Une nouvelle politique de l’Education nationale

En France, principalement au cours du 3ème plan autisme (2013-2017) poursuivie par les objectifs du 4ème plan, lancé le 6/07/2017, une grande et forte mobilisation politique s’est mise en œuvre pour l’accompagnement et le suivi scolaire élèves avec trouble du spectre autistique. Les progrès quantitatifs de prise en compte de l’autisme sont incontestables, si on s’en tient aux chiffres. En revanche, seulement, 30% des élèves avec des troubles du spectre de l’autisme sont scolarisés 3 jours ou moins[4]. La recherche de dispositifs institutionnels innovants et plus inclusifs est avérée, avec la mise en place de dispositifs pédagogiques, comme les unités d’enseignement maternelle (UEM) ou les unités localisée pour l’inclusion scolaire (ULIS) en partenariat avec des instituts médico-sociaux. Malgré le dévouement et la grande implication de tous les personnels de l’éducation nationale, (Inspecteurs (IEN), enseignants, auxiliaires de vie scolaire (AVS), force est de constater que des obstacles et des enjeux forts freinent et empêchent cette volonté politique de se réaliser sur le terrain des pratiques avec efficacité et /ou efficience. Cette situation, très hétérogène sur le territoire français avec des départements en réussite et d’autres toujours dans l’errance, est vécue par les familles et leurs associations comme préoccupante inégalitaire et plus supportable. Les travaux de recherche en éducation et/ou intervention auprès des enfants TSA nous conduisent à proposer de dépasser et/ou éliminer les obstacles à la lisibilité de l’autisme, faire cesser l’épuisant combat des familles, sortir de l’impuissance pédagogique des projets d’intervention.

Dépasser et/ou éliminer les obstacles à la lisibilité de l’autisme :

  • la différence invisible : l’invisibilité et l’hétérogénéité de ce type de handicap social :
  • la méconnaissance et/ou ignorance des marqueurs de dépistage d’un autisme potentiel par les médecins généralistes, les enseignants, les professionnels de la petite enfance, les parents, les aidants ;
  • la difficulté pour les parents à obtenir un diagnostic précoce ;
  • la durée et/ou la persistance du déni parental ;
  • la multiplicité et l’hétérogénéité des intervenants « experts » ;
  • la difficile détection et compréhension, du monde et de la culture de l’autisme avec le regard souvent pour le moins circonspect des gens « non autistes » dans leur rencontre avec la différence autistique.

 Faire cesser l’épuisant combat des familles :

  • le parcours kafkaïens des rapports et des relations administratives, juridiques et humaines avec une MDPH ;
  • les délais pour obtenir un diagnostic valide et fiable par de professionnels et /ou des institutions habilités ;
  • les bouleversements financiers, économiques, psychologiques qu’entraîne l’arrivée de l’autisme au sein des familles ;
  • le parcours chaotique de scolarisation de leur (s) enfant (s) TSA ;
  • une absence et/ou une faiblesse qualitative de la formation initiale et continue des acteurs de l’autisme en France : enseignants, formateurs et cadres de l’éducation nationale, médecins généralistes, professionnels médico-sociaux, référents administratifs (MDPH)[5];
  • une absence de formation publique accessible et gratuite pour les parents, la famille, les aidants.[6]

 Sortir de l’impuissance pédagogique des projets d’intervention :

  • des conditions d’accueil inconsistantes (temporelles, matérielles, environnementales, didactiques, pédagogiques) plus exclusives qu’inclusives ;
  • des enjeux et des concurrences de territoires entre nombreux, divers et multiples acteurs ;
  • l’inconsistance parfois et/ou l’ignorance des dits « experts » (médecins / professionnels de l’autisme)  et qui refusent ou ignorent l’expertise réelle des parents ;
  • des illusions et des dérives que le marché concurrentiel de «  méthodes » et/ou de techniques (ABA – Modèle de Denver – TEACCH, PECS, Makaton, le matériel technologique et/ou numérique)  peut engendrer;
  • la grande difficulté à trouver des professionnels formés et/ou habilités ;
  • le non accompagnement psychologique et pédagogique des parents et des aidants ;
  • la non prise en compte des récentes données scientifiques et/ou professionnelles en matière d’intervention : les neurosciences et/ou les sciences cognitives, la génétique et l’épi-génétique, les sciences de l’éducation /ou de l’intervention, la littérature avec les récits de vie, les témoignages de personnes avec autismes et/ou de leur famille ;
  • la difficulté à obtenir du travail d’équipe pour obtenir une réelle complémentarité d’intervention des lieux et /ou dispositifs médico-sociaux avec ceux du scolaire.

Vers une scolarisation inclusive : le pari de l’éducabilité

Compte tenu de cet envers du tableau et face à l’attente des familles et de élèves TSA, en matière d’intervention, d’éducation et de formation, une prise en compte efficace et efficiente de l’autisme à l’école ne peut plus se contenter de quelques heures d’information théorique sur les caractéristiques de l’autisme et/ou sur des présentations de méthodes d’intervention. Elle appelle une analyse des pratiques centrée sur le dépistage et/ou diagnostic TSA, les démarches, travaillant les « bonnes pratiques » d’intervention TSA et les approches et techniques d’évaluation des progrès et compétences des élèves TSA, en fonction de leur besoins spécifiques et singuliers. Sa réussite sera d’autant plus forte et fiable qu’elle sera alimentée par des travaux recherche en éducation participative et collaborative (chercheurs, enseignants, parents, professionnels), malheureusement trop peu nombreux, non ciblés par les appels d’offre de recherche scientifique et donc non financés. Le consensus scientifique international est pourtant acté : l’autisme n’est pas une maladie, même si le biomédical a une grande importance. L’apport aujourd’hui d’une recherche scientifique pluridisciplinaire avec en particulier les neurosciences, l’épi-génétique et les sciences de l’éducation est aujourd’hui plus que nécessaire. Elle est fondamentale pour accompagner l’autisme tout au long la vie. Entre espoir et impuissance c’est donc à une école inclusive, solidaire, bienveillante et performante que nous aspirons, une école dotée de moyens financiers et de personnels formés qui convoque le pari de l’éducabilité.

 

Christian Alin, Lyon, le 24 mars 2018.

[1] Alin. C., (2018), L’autisme à l’école, le pari de l’éducabilité, Bruxelles : Mardaga. (à paraître)

[2] Loi N° 2005 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées – JO n°36 Du 12 Février 2005.

[3] TSA – Trouble du Spectre de l’Autisme

[4] Contribution de l’Inspection générale de l’éducation nationale à l’évaluation du 3ème plan autisme (2013-2017) – Gilles Pétreault. Inspecteur général de l’éducation nationale (IGEN

[5] MDPH – Maison Départementale des Personnes Handicapées

[6] Les Centres Ressources de Autisme (CRA) commencent à mettre en place des formations gratuites pour les aidants.

 

 

Références

[1] Loi N° 2005 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées – JO n°36 Du 12 Février 2005.

[2] Contribution de l’Inspection générale de l’éducation nationale à l’évaluation du 3ème plan autisme (2013-2017) – Gilles Pétreault. Inspecteur général de l’éducation nationale (IGEN

[3] Alin, C, (2018), L’autisme à l’école, Ed. Mardaga : Bruxelles. (à paraître)

[4] Les Centres Ressources de Autisme (CRA) commencent à mettre en place des formations gratuites pour les aidants.

[5] HAS- Rapport de la Haute Autorité de Santé (au sein de la HALDE) – mars 2012 – Autisme et autres troubles envahissants du développement : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent.

 

 

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